Deux attentats racistes en Corse

Deux attentats racistes en Corse
VIOLENCE Les bombes, qui visaient des familles d'origine musulmane, font craindre une reprise de la violence antimaghrébine.

Dominique Costa
[05 novembre 2005]

LA SPIRALE de la violence raciste a-t-elle repris en Corse ? Une famille d'origine marocaine et une boucherie hallal appartenant à un Egyptien ont été prises pour cibles par des poseurs de bombes dans la nuit de jeudi à vendredi à Ajaccio.


La première exaction a été perpétrée à 1 h 50 dans le quartier des Jardins de l'Empereur, sur les hauteurs de la ville, où résident de nombreuses familles originaires des pays du Maghreb. Une charge a été déposée devant la porte d'entrée de l'appartement d'un couple et de leurs deux enfants. De facture artisanale, la bombe, composée d'une demi-bouteille d'un mélange nitrate-fioul, n'a pas produit l'effet escompté : seul le détonateur a explosé, ne provoquant finalement qu'un immense fracas dans la cage d'escalier, alors que les habitants de l'immeuble, pour la plupart musulmans, fêtaient la rupture du jeûne du ramadan.


Trois heures plus tard, un autre attentat a arraché le rideau métallique de protection d'une boucherie orientale du quartier de Sainte-Lucie. L'engin explosif, placé devant la devanture, a également soufflé les vitres de plusieurs appartements et endommagé un véhicule qui était en stationnement devant le commerce. Par chance, les poseurs de bombes ont placé leur engin suffisamment loin du stock de bouteilles de gaz entreposées à l'extérieur de la boucherie d'Adel Mathana. «Je suis là depuis trente ans, et je suis bien avec tout le monde, et franchement ça fait mal au coeur», déclare ce dernier en affirmant «ne pas comprendre» cet acte. «Je suis connu et respecté dans le quartier et je ne travaille qu'avec des éleveurs locaux», souligne-t-il.


En l'absence de toute revendication, les enquêteurs en sont réduits aux conjectures. «Un règlement de comptes de droit commun pourrait cependant être à l'origine de l'attentat manqué contre la famille de Marocains», estime-t-on de source proche de l'enquête.


Ces deux actions ont été fermement condamnées par le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), qui regrette «la persistance de ce mal spécifique qu'est le passage violent à l'acte qui caractérise le racisme antimaghrébin en Corse».


Lassée de faire la une des quotidiens, l'île veut croire que l'on n'assiste pas à une nouvelle flambée de violence antimaghrébine. Chacun garde en mémoire la série d'attentats racistes commis fin 2002 dans la rue Droite, au coeur du centre historique de Bastia. Et les coups de feu tirés dans la nuit du 26 au 27 septembre 2004 contre la porte de la mosquée de Sartène, derrière laquelle l'imam Mohamed el-Atrache a échappé de peu aux balles de 9 mm, et encore la vague d'exactions visant la communauté musulmane, revendiquée par le groupe I Clandestini Corsi, dont seize membres présumés sont actuellement en attente de jugement. Toujours pas délavé, le slogan «Arabi Fora» continue de s'afficher en lettres blanches, rouges ou noires sur de nombreux murs de Corse.

http://www.lefigaro.fr/societe/20051105.FIG0136.html?221518