A Nantes, on m'a critiqué à tort

Mar 24 Jan 2006, 10:30

Actualité sportive
mardi 24 janvier 2006
Football : Faé : « À Nantes, on m'a critiqué, à tort »

Samedi, Emerse Faé (à droite en maillot rouge avec le n° 7 sur le torse) a fêté sa première titularisation avec la Côte d'Ivoire face au Maroc. Le milieu de terrain défensif du FC Nantes a effectué samedi, face au Maroc (1-0) ses premiers pas de titulaire au sein de la sélection ivoirienne. Les bienfaits de l'éloignement pour un joueur meurtri dans sa chair.
LE CAIRE (de notre envoyé spécial). Si la question l'a turlupiné un long moment, aujourd'hui il ne regrette rien. C'était il y a un an. La double nationalité franco-ivoirienne lui offrait la possibilité de rejoindre la sélection d'Henri Michel, après avoir pourtant été champion du Monde avec l'équipe de France des 17 ans à Trinidad-et-Tobago, en 2001 et remporté le Festival de Toulon 2004, toujours sous le maillot bleu. À son poste de milieu de terrain défensif, l'embouteillage lui aurait réclamé un peu de patience pour espérer se faire une place en équipe de France. En revanche, chez les Eléphants, les portes lui semblaient grand ouvertes.

Emerse Faé ne s'était pas trompé. Pour sa première Coupe d'Afrique des Nations, le voilà à 22 ans dans la peau d'un titulaire, en charge de tout le flanc droit, le plus souvent même reconverti en faux ailier. « Je ne déborde pas autant qu'Akalé, mais j'aime bien partir balle au pied. Les consignes sont d'apporter offensivement, de chercher à écarter au maximum le jeu. » Samedi après-midi, sur la pelouse bosselée du Cairo Stadium, pour sa première titularisation sous le maillot orange, il avait de la dynamite dans les jambes pour lancer Drogba vers le but marocain sur une action synonyme de penalty et de victoire (1-0). La suite ne fut pas du même tonneau. Une rencontre de rentrée, qui sentait la peinture fraîche. Mais peu importe, Emerse Faé a faim, très faim. Il fourmille de projets, en attendant la coupe du Monde en juin prochain. « J'attends beaucoup de cette CAN. Déjà apporter quelque chose à mon équipe. Et puis, si je pouvais décrocher ce premier trophée chez les pros... Cette compétition peut favoriser mon avenir à défaut de le sceller, car rien ne sert à rien de briller en janvier si je suis nul au retour. Pour aller en Allemagne, il faudra confirmer. » En tout cas, le petit dernier a vite trouvé ses marques. Le partenaire de chambre de Gilles Yapi remercie au passage ses coéquipiers. « Au niveau ambiance, il n'y a rien à dire, les gars m'ont bien intégré. Même ceux qui évoluent dans de très grands clubs restent des gens simples. Ils essaient de ne mettre personne à l'écart. »

Petite lunette d'intello sur le nez, Emerse Faé déambule dans le hall de l'hôtel Movenpick, au milieu de visiteurs de pyramides. Il rassure. « On sait ce qu'on est venu chercher. Nous ne sommes pas ici en touristes ! » Durant ses longs moments d'inactivité, il en profite pour converser avec ses coéquipiers du FC Nantes. « J'ai eu Bocundji Ca avant le match face à Metz. Et puis j'échange pas mal avec Steven (Thicot) et Aurélien (Capoue) par Internet. J'essaie de prendre des nouvelles. Il s'agit tout de même de mon club. Quoi qu'on en dise, une fois la CAN finie, je vais y retourner. » Soudainement, le milieu du FC Nantes souffle sur les braises d'un foyer d'incompréhensions. Sa première partie de saison (17 matches joués) a parfois suscité l'interrogation, les critiques. Ses débuts dévastateurs sur le flanc droit, face à Lens et Rennes, n'ont pas survécu au temps. Souvent l'intéressé a donné cette sensation étrange de ne pas se libérer, parfois de ne pas être totalement concerné quand les blessures ne l'ont pas éloigné tout bonnement du terrain. Son talent demeure par contre intact.

« Je n'ai de comptes à rendre à personne »

Ces dernières semaines, il avait opté pour le silence. Là, il dévoile ses fêlures, en garçon réfléchi, posé, mais entier. « J'ai toujours dit que mon envie était de confirmer tout ce qui a pu être dit sur moi lors de ma première saison. Seulement, il y a beaucoup d'ondes préjudiciables à Nantes. Par conséquent, j'essaie de m'isoler. Moi, je suis là pour jouer, non pas pour causer aux journalistes ou dialoguer avec les supporters. Je me suis donc permis de prendre du recul. Oui, cette coupe d'Afrique des Nations est venue au bon moment. » La tirade mérite quelques éclaircissements. « À Nantes, beaucoup de gens m'ont critiqué, à tort. Quand l'équipe n'allait pas, on a cherché par exemple à me mettre sur le dos les mauvais résultats. On a dit que j'avais la tête ailleurs... Quand je me suis blessé, on m'est encore tombé dessus, sans me laisser le temps de revenir, contrairement à d'autres de l'équipe dont je nommerai pas le nom. Ça me pesait, mais j'ai pris sur moi, car le plus important demeure la réponse sur le terrain. J'ai donc voulu m'isoler, car je ne dois rien à personne. Je me suis battu pour en arriver là, seul. Je n'ai aucun compte à rendre. Et puis, quand on s'isole, on ne le fait pas systématiquement pour embêter les gens. C'est aussi une manière de ne pas vouloir montrer au monde extérieur que c'est chaud ! »

Revenir en février, peut-être pour mieux repartir. La fracture semble irréfutable. En attendant, lui, le seul à pratiquer le dialecte Wobé de la troupe des Eléphants, déguste son retour aux sources dans une famille « plus chaleureuse, beaucoup plus solidaire et plus croyante. »

Christophe DELACROIX.

Traduction: Je quitte le club.